Buster Keaton (1895-1966) fit ses débuts au théâtre de vaudeville, aux côtés de ses parents. En 1917 il décida de changer de carrière et de se lancer dans le cinéma comique. Keaton devint l'apprenti de Roscoe « Fatty » Arbuckle, et il obtint son propre studio quelques années plus tard. Commença alors une période exceptionnellement féconde : entre 1920 et 1928, le comique atteignit l'apogée de son art. Pair d'un Charlie Chaplin ou d'un Harold Lloyd, ses traits à la fois éloquents et immuables (on l'appelait « Tête de marbre » et « l'Homme qui ne rit jamais ») s'inscrivaient dans un corps acrobatique et gracieux, doté d'un esprit géométrique. Le présent essai biographique se propose de rendre hommage à ce grand artiste, dont le cinéma réunit comique et beauté. Ce livre contient des dessins originaux réalisés par Eric Van Hove.
Italian translation (by Edi Vesco): Buster Keaton. Ritratto di un corpo comico, Portaparole, Rome, 2006. ISBN 88-89421-27-4.
Luchino Visconti était un grand lecteur d'À la recherche du temps perdu. Même en portant à l'écran d'autres auteurs, le cinéaste du temps ne chercha pas à dissimuler sa passion pour le chef-d'oeuvre romanesque de Marcel Proust. Un certain nombre de ses films, tels Il Gattopardo (1963), Vaghe stelle dell'Orsa (1965), Morte a Venezia (1971) et L'Innocente (1976), rencontrent l'univers de Proust non seulement par leurs thèmes, mais aussi par des allusions parfois très explicites et par leur esthétique même. Le présent essai se propose d'analyser ces affinités. Il est complété par un témoignage émouvant. Nicole Stéphane revient en pensée à l'adaptation de la Recherche qu'elle avait l'intention de produire pour Luchino Visconti au début des années 1970 ; malheureusement, le projet n'aboutit pas. Enfin, ce livre contient aussi des dessins originaux réalisés par Eric Van Hove d'après Morte a Venezia.
Italian translation (by Michael Fantauzzi): Visconti, lettore di Proust, Portaparole, Rome, 2004. ISBN 88-89421-06-1.
Finnish translation (by Osmo Pekonen): Visconti, Proustin lukija, Minerva, Jyväskylä, 2006. ISBN 952-5591-39-5.
Peut-on filmer A la recherche du temps perdu ? Telle est la question centrale d'une étude qui considère toute résonance filmique du grand roman comme une variation, presque au sens musical du terme. Les tentatives ne datent pas d'hier. En 1962 déjà, Nicole Stéphane avait pu acheter les droits filmiques et voulait tenter la grande aventure. Malheureusement, ses efforts menèrent à deux scénarios jamais réalisés (l'un de Suso Cecchi d'Amico pour Luchino Visconti, l'autre de Harold Pinter pour Joseph Losey) et aboutirent finalement, en 1984, à Un amour de Swann de Volker Schlöndorff, un film dont le moins que l'on puisse dire est qu'il fut généralement mal aimé. Deux adaptations récentes, Le Temps retrouvé (1999) de Raoul Ruiz et La Captive (2000) de Chantal Akerman, ont à nouveau soulevé, avec plus de bonheur sans doute, la question de la légitimité d'une telle adaptation.
La plupart des littéraires restent intransigeants et continuent à s'opposer, quasi religieusement, à l'idée même de la possibilité de porter à l'écran l'oeuvre de Proust. Selon eux, seuls les romans médiocres sont susceptibles de faire l'objet d'une adaptation cinématographique, mais certainement pas ce monument de la littérature française qu'est la Recherche. Ce mépris à l'égard des adaptations cinématographiques, et, en particulier, envers celles du roman de Proust, constituera le sujet de notre premier chapitre. Nous l'analyserons, entre autres, à la lumière de la pensée de Walter Benjamin.
Après avoir présenté, dans un deuxième temps, une chronologie commentée des cinq adaptations cinématographiques précitées, nous consacrerons les chapitres suivants à analyser ces projets en détail.
Visconti n'a pas pu réaliser son adaptation de la Recherche ; toutefois, son affinité pour ce roman apparaissait en filigrane dans bon nombre de ses films. Dans le troisième chapitre, nous étudierons les aspects proustiens de son oeuvre.
Le quatrième chapitre sera consacré au brillant scénario analytique de Harold Pinter. Son projet favorise les éclats du temps et de la mémoire involontaire.
Les trois chapitres suivants présenteront l'analyse que nous avons réalisée des films de Volker Schlöndorff, de Raoul Ruiz et de Chantal Akerman, oeuvres que nous examinerons, de prime abord, comme des objets filmiques, pour les considérer ensuite comme des adaptations cinématographiques d'une oeuvre littéraire.
Au travers des analyses de ces cinq visions artistiques, nous espérons contribuer à une meilleure compréhension des problèmes posés par les adaptations cinématographiques de l'oeuvre de Proust.
Que d'emblée notre position soit claire : nous sommes convaincu que filmer un grand roman n'est pas seulement possible, mais même parfois nécessaire. La possibilité et le devoir d'adapter surgissent lorsque le désir du cinéaste le porte vers un grand roman. Plus un livre est riche, moins fidèle en sera l'adaptation cinématographique. Et là surviennent parfois, surviennent souvent, de très grandes rencontres...
Et l'auteur de la Recherche ? Le dernier chapitre de notre livre est consacré à la prétendue aversion de Proust pour le cinéma, aversion qui servit d'argument supplémentaire pour réfuter toute tentative d'adaptation. Nous verrons que les raisons du mépris de Proust sont essentiellement d'ordre esthétique et que la notion-clé pour comprendre un rapport trop souvent défiguré est bien celle du temps. Or, en définitive, si Proust n'était pas cinéphile, c'est que le cinéma n'était pas encore proustien.